Communiqué du Comité des Lois, des Techniques et des Pratiques — 31/01/2019
Accord sur le texte final de la proposition de directive du 22 novembre 2016 !
La Commission européenne a publié, le 22 novembre 2016, une proposition de directive sur les procédures préventives de restructuration, la seconde chance et les mesures accroissant l’efficacité des procédures de restructuration, d’insolvabilité et de décharge de dettes.
En raison de la grande diversité des systèmes juridiques des États membres, la Commission a écarté l’idée d’une harmonisation totale. La proposition s’attache plutôt à atteindre un niveau minimal d’harmonisation en instaurant un ensemble de principes tout en permettant aux États membres d’aller plus loin lorsqu’ils en transposeront les dispositions dans leur droit national. Cette harmonisation s’articule autour de trois axes :
- des principes communs pour les cadres de restructuration préventifs ;
- le droit au rebond du débiteur ;
- des mesures ciblées pour que les États membres améliorent l’efficience de ces procédures.
Le 17 décembre 2018, les États membres sont parvenus à un accord sur le texte final de la directive. Il en résulte un compromis laissant plus d’options aux États membres que la proposition initiale du 22 novembre 2016.
Prochaines étapes : une fois mis au point par les juristes-linguistes, le texte sera formellement adopté puis publié au Journal officiel, et ce avant les élections européennes en mai 2019.
La transposition de la directive pourrait bouleverser notre droit des entreprises en difficultés. En effet, le projet de loi Pacte (art. 64) prévoit que les changements résultant de la directive affecteront les procédures de sauvegarde et de redressement. Or, de nombreuses dispositions de la directive s’inspirent du droit américain et du droit allemand. Leur transposition pourrait aboutir à un changement de paradigme en droit français en faveur des créanciers. Les principales nouveautés au regard du droit français sont :
- la possibilité pour les États membres de mettre en place une sélection des débiteurs pouvant bénéficier d’une procédure préventive (en subordonnant l’ouverture d’une procédure au respect des obligations comptables ou en introduisant un test de viabilité de l’entreprise) ;
- la possibilité pour les États membres d’élargir les titulaires de l’action aux créanciers (nouveauté pour la sauvegarde) et aux représentants du personnel avec accord du débiteur ;
- la limitation de la durée de la suspension des poursuites (4 mois renouvelables dans la limite de 12 mois) et la possibilité d’exclure certaines créances ;
- la suspension de l’obligation de déclarer son état de cessation des paiements par le débiteur durant la suspension des poursuites ;
- le principe selon lequel seules les parties qui sont affectées par le plan ont le droit de voter. La directive prévoit cependant la possibilité d’exclure du vote du plan les actionnaires ;
- la nécessité d’instaurer des classes de créanciers selon la nature de la créance ainsi que la possibilité d’adopter un plan malgré l’opposition d’une classe (application forcée interclasse) sous réserve du respect de la règle du « best interest of creditors » [1] et de la règle de la « priorité absolue » [2] ;
- la nécessité de prévoir des moyens pour empêcher les actionnaires de faire obstacle à l’adoption du plan lorsque les États membres ont choisi de les exclure du vote du plan ;
- la nécessité de prévoir un mécanisme d’estimation de la valeur de l’activité de l’entreprise lorsqu’un plan est contesté pour la mise en œuvre de la règle du « best interest of creditors » ;
- la nécessité de prévoir une compensation financière lorsqu’il est fait droit à un recours d’une partie qui subit une perte financière ;
- l’introduction de l’obligation pour le dirigeant de prendre en considération les intérêts des créanciers, des autres parties prenantes et des détenteurs de capital, et de prendre des mesures pour éviter l’insolvabilité.
[1] Désigne le fait qu’aucun créancier dissident ne doit se trouver dans une situation moins favorable du fait du plan de restructuration que celle qu’il connaîtrait soit dans le cas d’une liquidation, que cette dernière se réalise par distribution des actifs ou par la cession de l’entreprise en activité, soit dans le cas du meilleur scénario alternatif si le plan de restructuration n’a pas été confirmé.
[2] Règle suivant laquelle les créanciers réunis dans une classe ne peuvent être indemnisés tant que ceux d’une classe supérieure ne sont pas également désintéressés.