Appel solennel de l’Association pour le Retournement des Entreprises

Urgence absolue : les tribunaux doivent pouvoir sans délai ouvrir en voie numérique les procédures de sauvetage pour payer les salaires et sauver les emplois 

Tout d’abord, je tiens à vous faire part, au nom de l’Association pour le Retournement des Entreprises et de ses 240 membres, les meilleurs experts de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises issus de la profession, de nos remerciements pour le gigantesque travail mené par la Direction des Affaires Civiles et du Sceau en coordination avec les différents ministères et plus particulièrement, pour le traitement des entreprises, avec le Ministère de l’Economie et des Finances et le Ministère du Travail.

Et précisément, c’est parce que nous croyons en votre capacité d’écoute et en votre très grande réactivité, que nous vous adressons la présente lettre ouverte.

A partir de 15H00, ce jour, nos parlementaires débattront sur le « Projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid 19 » et le projet de loi d’habilitation. Ces projets devraient, comme nous le souhaitons tous, être adoptés à l’unanimité comme l’a été hier jeudi 19 mars 2020 à 21H59, le projet de Loi de Finance Rectificative pour 2020. Nous saluons à cet égard, le sens des responsabilités de tous nos parlementaires qui, en cette période de crise, dans la dignité et le respect, sont plus que jamais dévoués aux concitoyens qu’ils représentent.

Ces projets, une fois adoptés, permettront au Gouvernement, par voie d’ordonnances, d’adapter notamment le droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté « afin de faciliter le traitement préventif des conséquences de la crise sanitaire ».

C’est dans ce cadre que nous vous alertons.

En effet, selon la dépêche de la Direction des Affaires civiles et du Sceau du 19 mars 2020, à l’attention des juridictions concernées, les demandes d’ouverture de procédures de conciliation et les ouvertures de nouvelles procédures collectives ne devraient pas être considérées comme urgentes.

Ainsi, seules les ouvertures de mandats ad hoc et les plans de cession pour les procédures déjà en cours devraient être entendus par les juges de nos tribunaux de commerce et, nous n’en doutons par les magistrats des juridictions civiles.

Nous en déduisons que le projet d’ordonnance appelé à modifier le droit des entreprises en difficulté limitera aux seuls mandats ad hoc et aux plans de cession les décisions que nos juges seront amenés à prendre.

Ces dispositions ne nous permettront pas de traiter les entreprises en difficulté et le sort des salariés.

Nous faisons face à un tsunami et nous trouvons, économiquement, à la période pendant laquelle la mer se retire. Les entreprises se placent sous cocon. Elles gèlent tous les paiements non indispensables et recourent au chômage partiel pour celles qui le peuvent. Celles dont l’activité n’est pas indispensable, en cette période de confinement, ferment purement et simplement. Les autres activités sont ralenties au strict minimum et notamment celles opérant dans des secteurs tels que l’agro-alimentaire ou la chimie pour ne citer qu’eux.

Pour survivre, grâce aux mesures économiques prises par le gouvernement, elles créent de la dette mais au moins conservent la trésorerie qui leur permettra de tenir quelques temps. Cependant, grand nombre d’entre elles ne pourront tenir très longtemps et déjà, des entreprises nous appellent pour nous informer qu’elles ne pourront payer leurs salaires à la fin de ce mois ou du mois d’avril.

Ainsi, non seulement elles ne pourront pas payer les salaires mais en plus, elles ne pourront procéder aux licenciements qui s’imposent pour préserver les emplois qui pourraient l’être.

Quant aux salariés, leur sort est inimaginable : ils ne toucheront ni salaire, ni chômage.

Et pourtant, il reste deux solutions pour survivre et maintenir leur activité :

  • le recours aux procédures de redressement judiciaire afin que soient garantis par l’AGS les salaires impayés à l’ouverture ou les licenciements nécessaires au maintien de l’activité à périmètre réduit mais indispensable,
  • le recours aux plans de cession (et pas seulement pour les procédures de redressement judiciaire) qui pourront être financés par BPI comme le prévoit le projet de loi.

Nous vous alertons solennellement : les tribunaux doivent pouvoir sans délai ouvrir en voie numérique les procédures de sauvetage pour payer les salaires et sauver les emplois.

Alors même que tous les professionnels et les juges se mobilisent pour être en mesure de faire face aux demandes de conciliation et de redressement judiciaire dans le respect des mesures de protection sanitaire, qu’il existe une plateforme digitale très performante créée par les greffiers sur laquelle nous pouvons déposer les demandes d’ouverture de conciliation et de redressement judiciaire, qu’un grand nombre de greffiers nous ont déjà donné leur adresse mail sur laquelle nous pouvons leur faire parvenir nos demandes, la Chancellerie demande aux juges de ne pas traiter les demandes de conciliation et de redressement judiciaire.

Et pourtant, il est encore possible d’éviter cette situation en maintenant les conciliations et les redressements judiciaires, à charge pour les Président et les tribunaux d’examiner les demandes avec discernement. Nous avons toute confiance en nos juges que nous fréquentons au quotidien et dont nous connaissons le dévouement. De même, l’efficacité de nos greffes n’est plus à prouver.

L’ARE a proposé, avec quatre autre associations, composées elles-aussi de personnes dédiées au traitement des entreprises en difficulté, d’assister les cellules de crise mises en place par le Ministère de l’Economie et des Finances. A elles cinq, elles comptent près de 500 membres, ce qui représente une mise à disposition, dans un premier temps, de 2000 heures de conseils. Cette action repose sur le volontariat de ses membres. Nous devons cependant disposer des outils nécessaires au traitement des entreprises en difficulté pour leur donner un conseil utile.

Au nom de l’Association pour le Retournement des Entreprises, nous vous prions de recevoir nos salutations les plus respectueuses.

Virginie Verfaillie Tanguy

Présidente

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